Biographie du Professeur Calvel

Hubert Chiron – In Memoriam, décembre 2005

Un capitaine fier de son drapeau et sûr de son cap

Raymond Calvel, boulanger né dans le Tarn a été depuis la première heure passionné par son métier. Très attaché à la renommée mondiale du pain français, il a été pendant cinquante ans, un ambassadeur exceptionnel du rayonnement du pain français à l’étranger. Ce capitaine qui n’a jamais ménagé son énergie pour combattre les dérives, a fait de nombreux émules, il nous laisse des ouvrages détaillés et surtout un cap à suivre

Une triple formation à la meilleure époque

La compétence de Raymond Calvel repose sur une force de travail peu commune et sur une triple formation. Tout d’abord, entre 1930 et 1933, un apprentissage de boulanger rural lui permet d’acquérir un solide savoir-faire traditionnel. L’apprenti acquiert dans son Tarn natal les rudiments d’une boulangerie séculaire, toucher de pâte, fermentation au levain naturel, façonnage des pains fendu tordus. Puis, sa soif de connaissances l’entraîne à Paris suivre les cours de perfectionnement de la toute récente École de Boulangerie des Grands Moulins de Paris. Raymond Calvel y apprend les secrets de la panification sur direct, les subtilités de la conduite d’un pointage de quatre heures et des harmonieux coups de lame sur la baguette parisienne. Vite remarqué par ses professeurs, R. Calvel est un élève studieux. Entre 1933 et 1936, il saisit toutes les opportunités d’exercer chez les meilleurs boulangers de la capitale.

Le troisième volet de son expertise, réside dans sa décision d’entrer à l’École Française de Meunerie (devenue E.N.S.M.I.C. en 1971). Le jeune boulanger, fraîchement diplômé, y rencontre une grande personnalité de la meunerie, Henri Nuret, qui mène des recherches décisives sur l’optimisation des diagrammes de moutures sur cylindres. Un respect mutuel puis une solide amitié vont s’installer entre ces deux hommes et l’aîné aidera R. Calvel à devenir un expérimentateur rigoureux. Dès 1938, Nuret l’invite à rédiger des articles techniques. Le jeune boulanger d’essai collecte et affûte la terminologie professionnelle. Jusqu’à la déclaration de la Seconde Guerre Mondiale, il pratique des panifications de grande qualité. Proche du Syndicat Patronal de la Boulangerie de Paris, R. Calvel s’implique très tôt dans l’animation de cours professionnels ; il enseignera la boulangerie jusqu’à son départ à la retraite en 1978. Puis, à partir de 1980, il fera profiter les compagnons boulangers du devoir de son expérience.

L’École de Meunerie pour port d’attache

A son retour de captivité, il multiplie avec M. Nuret les essais de panification et en 1948, ils publient « Les succédanés en panification« . Ce livre nous donne la pleine mesure de la richesse et la précision de savoir-faire de R. Calvel, tout particulièrement dans les variantes de la conduite du travail au levain. Conseiller technique de l’UNCAC à partir de 1946, il saisira très tôt les opportunités de déplacements professionnels à l’étranger : 1948 Royaume Uni, 1950 États-Unis, etc. Puis en 1954, répondant à une demande des japonais, R. Calvel s’envole au Japon afin d’y effectuer des démonstrations. Ce périple de trois mois, du nord au sud du pays, pose les jalons de la naissance de l’implantation du pain français au pays du soleil levant. C’est le début d’une étroite collaboration, le professeur Calvel y effectuera par la suite plus d’une trentaine de voyages.

Un consultant très apprécié en biscotterie et en boulangerie industrielle

Dans les années 1950, R. Calvel travaille activement sur les procédés de fabrication de la biscotte. Il sera fréquemment sollicité en tant que consultant par les biscotteries françaises qui connaissent alors une croissance très forte. Son article de 1951 sur la technologie de la fabrication de la biscotte est un modèle du genre. R. Calvel participera également au démarrage de fours tunnels Den Boer, en boulangerie industrielle (Eullaffroy 1952). Très apprécié, il sera sollicité jusque dans les années 1980 pour régler les lignes de fabrication de biscottes et de pain français à l’étranger.

Pétrissage et panification

Le pétrissage et ses conséquences sur les caractéristiques organoleptiques du pain sont un sujet récurrent dans la production littéraire de R. Calvel. Au cours de l’été 1957, alerté par plusieurs meuniers, R. Calvel se rend dans l’Ouest de la France afin d’étudier la méthode pain blanc par pétrissage intensifié qui se développe dans les fournils locaux. Au retour de ce voyage, il émet des réserves sur les doses élevées de levure ; il parle déjà de mie « en nid d’abeille« . Il note que la mie est plus blanche que d’ordinaire, d’un blanc mat sans vie, d’un blanc crayeux. Il met en garde en indiquant qu’avec cette nouvelle technique de pétrissage, la teinte blanc crème qui est l’une des caractéristiques fondamentales de notre pain français, diminue ou disparaît. R. Calvel constate ensuite l’action efficace et même spectaculaire de la farine de fèves comme agent de blanchiment en pétrissage intensifié. En 1961, R. Calvel admet que la farine de fèves est à 1, 1.5% un précieux améliorant ajoutant aussitôt « Le risque est grand malgré la séduction qu’il exerce de courir à la désaffection du pain ; plus il est blanc et volumineux, plus il est inodore et insipide ». En février 1967, il publie un article très important intitulé « Pétrissage et panification » où il met en évidence une nouvelle fois, les méfaits du pétrissage intensifié. « La qualité du pain n’y trouve pas son compte, sans bruit de proche en proche, les jeunes générations perdent le goût du pain ». La même année, R. Calvel plaide sans succès pour le pétrissage amélioré et s’implique dans la promotion du pain dit « Super Art » réalisé à partir d’une farine sans fève à 0.53% de cendres.

Témoin de la mécanisation de la boulangerie

R. Calvel milite pour le respect des deux phases de fermentation, où dans un apport généreux de pâte préalablement fermentée, il y voit l’un des secrets du goût du pain. Dès 1961, il conseille Marc Eullafroy dans son article « La fabrication du pain à fermentation lente ». Connaissant parfaitement toutes les méthodes de fermentation, R. Calvel va, à partir d’avril 1967, se faire l’avocat des « cultures de ferments ». En 1970, le professeur critique sévèrement les fermentations accélérées et les pâtes « fourrées de levures ». Se voyant répondre que cela prend du temps et que le pointage est peu compatible avec certaines diviseuses, il propose en avril 1980 dans son célèbre éditorial « Vite et bien »? de « faire avant ce qu’il est difficile de faire après ». Cette même année, R. Calvel rend également grandement service à la profession en publiant une étude très conséquente sur le pain au levain naturel

Partisan des cultures de ferments

R. Calvel milite pour le respect des deux phases de fermentation, où dans un apport généreux de pâte préalablement fermentée, il y voit l’un des secrets du goût du pain. Dès 1961, il conseille Marc Eullafroy dans son article « La fabrication du pain à fermentation lente ». Connaissant parfaitement toutes les méthodes de fermentation, R. Calvel va, à partir d’avril 1967, se faire l’avocat des « cultures de ferments ». En 1970, le professeur critique sévèrement les fermentations accélérées et les pâtes « fourrées de levures ». Se voyant répondre que cela prend du temps et que le pointage est peu compatible avec certaines diviseuses, il propose en avril 1980 dans son célèbre éditorial « Vite et bien »? de « faire avant ce qu’il est difficile de faire après ». Cette même année, R. Calvel rend également grandement service à la profession en publiant une étude très conséquente sur le pain au levain naturel.

Viscéralement attaché à la « mie crème »

Dès 1967, le professeur préconise une farine sans fève pour garder la teinte naturelle crème et les qualités organoleptiques du pain. Il considère en effet que « cette légère teinte crème est inséparable de l’arôme naturel du vrai pain français ». Néanmoins dans les années qui suivent, les différentes tentatives de promotion du pétrissage amélioré échouent et la qualité du pain se dégrade. En 1973, R. Calvel hausse le ton dans sa conférence « L’évolution et la qualité du pain ». À son point de vue, le pain n’a plus de goût. Il ne correspond plus à son image. Le professeur s’enflamme et qualifie la farine de fève d’agent très actif et très naturel de « lessivage ».

Ces attaques réitérées lui valent des courriers acides et des inimitiés durables. Les progrès du retour à une panification naturelle sont difficiles et laborieux, avoue le professeur. Il participe à la mise au point et au lancement de la banette. Pourtant à la demande d’Alain Storione le professeur va à partir de 1980 faire profiter l’équipe des boulangers Unimie de son expérience : il participe à la mise au point et au lancement de la banette. En janvier 1983, R. Calvel ré-expliquera son opposition à la lipoxygénase, qu’elle provienne de farine de fève ou de farine de soja, « De grâce de l’une comme de l’autre, gardez-nous » , son combat est en passe d’être gagné.

Les inventions du professeur : repos autolyse et pain rustique

En collaboration avec Tripette et Renaud, R. Calvel conçoit en 1964 les mesureurs de pousse puis l’année suivante, il perfectionne le volumètre à graines et met au point un micro-test de panification. En 1974, R. Calvel publie un long article décrivant le principe et les avantages du repos autolyse de la pâte. L’autolyse des pâtes est aujourd’hui très utilisée par exemple en pain de tradition française. L’article relatant la méthode de fabrication du pain rustique pur froment date de 1983. Très attentif à l’obtention d’une pâte peu oxydée et d’une mie « sauvage », R. Calvel préconise de supprimer l’étape de façonnage pour la fabrication de petits pains et de pain au format rectangulaire. Le professeur affectionne tout particulièrement le goût « pur froment » de cette fabrication que l’on nomme parfois pavé.

Infatigable retraité, au savoir-faire très convoité à l’étranger

Entre 1979 et 2000, R. Calvel multiplie les déplacements professionnels, seul ou avec son ami Jean-Jacques Semlangne. L’expert boulanger globe-trotter engage une active collaboration avec les boulangers brésiliens, argentins, coréens. R. Calvel n’est pas un théoricien, il prouve ses affirmations par des productions de qualité. Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas de déplacements honorifiques, le professeur anime des conférences et passe ensuite à la pratique sous toutes les latitudes. Bien épaulé au Japon, il se fera seconder par son ami Hubert Maître lors de ses stages américains ou par James Mac Guire au Canada. R. Calvel n’est pas un théoricien, il prouve ses affirmations par des productions de qualité. « La vérité sort du four » aime-t-il à dire. Il adapte son savoir-faire et avec une intuition hors pair, ce « magicien des fournils » ne nous a sûrement pas révélé tous ses secrets !

Sa fascination pour le Japon

Le second voyage de R. Calvel au Japon intervient en 1964 ; un stand de fabrication de pain français est installé lors de la foire de Tokyo de l’année suivante, avec farine et matériel français. Cette manifestation marque l’essor de la consommation de pain français au Japon. Après avoir qualifié en octobre 1965, la teinte de la farine japonaise de « blanc-mort », le professeur réussit à convaincre les meuniers japonais d’abandonner le traitement chimique des farines. Il s’agit là d’une grande victoire qui le conforte dans son combat contre les agents de dénaturation du goût. Y séjournant jusqu’à trois fois par an, le professeur est au pays du Soleil Levant une star de la boulangerie et paradoxalement, sa notoriété, quoique bien réelle, est plus modeste en France ; nul n’est prophète en son pays dit-on.

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